Changement climatique et disparition des Vikings

Publié le par Olivier PRETRE-BOSSON

Bien souvent, le changement climatique est considéré comme un défi strictement moderne. Cependant, une nouvelle étude publiée dans le journal Boreas suggère que l'effondrement en 1350 d'une colonie séculaire établie par les Vikings pourrait être due à une baisse des températures et une extension des glaces de mer.

 

Les auteurs pensent ainsi que la disparition de cette colonie scandinave du Groenland est un exemple historique d'une société qui n'a pas réussi à s'adapter à un changement climatique et donc à de nouvelles conditions de vie.

 

Cette recherche(1), menée par le Dr Sofia Ribeiro de l'Université de Copenhague, actuellement à la Commission géologique du Danemark et du Groenland, a porté sur la baie de Disko dans l'ouest du Groenland. Des sédiments marins ont été analysés afin de retracer l'histoire du climat sur les 1500 dernières années.

 

Durant cette période, des colons nordiques menés par Eric le Rouge se sont installés au Groenland vers 985 après Jésus-Christ. Ils y fondent notamment l'Établissement de l'Ouest (Vesterbygd), dans le Nord, une zone de choix pour la chasse aux morses et aux phoques. Selon les recherches effectuées, les scandinaves étaient présents dans les fjords intérieurs.

 

"Nos analyses montrent qu'au moment où les vikings sont arrivés dans l'ouest du Groenland, les conditions climatiques étaient relativement favorables aux colons" indique le Dr Ribeiro. "Toutefois, en 1350 après Jésus-Christ, la colonie a disparu pour des causes qui sont encore longuement débattues."

 

Si les conditions d'installation étaient relativement propices, les sagas islandaises rapportent qu'Eric le Rouge aurait baptisé cette nouvelle terre Groenland ("Terre verte") dans le but d'attirer davantage de colons : une appellation volontairement exagérée qui montre combien la tromperie pouvait déjà être persuasive(2).

 

L'équipe de scientifiques a comparé les reconstitutions, considérées comme fiables, des températures extérieures réalisées grâce à l'air emprisonné dans des carottes de glace, avec les données dont ils disposaient déjà. Les résultats soulignent la complexité des schémas climatiques régionaux dans la zone d'étude, qui peuvent varier en fonction des reconstitutions climatiques des carottes de glace. En effet, les températures sont fortement contrôlées par les fluctuations des eaux plus ou moins chaudes de l'Atlantique entraînées par le courant occidental du Groenland.

Un refroidissement climatique a joué un rôle majeur dans la disparition des colonies

"Notre étude montre une évolution climatique majeure vers des conditions plus fraîches et une extension des glaces de mer qui coïncide avec la date estimée de l'effondrement de la colonie occidentale en l'an 1350", a déclaré le Dr Ribeiro. "Les Scandinaves étaient fiers d'être européens, agriculteurs et chrétiens, et n'ont jamais adopté les techniques de chasse et de survie des Inuits, de sorte que ces changements de température ont causé d'importants problèmes pour les colons et leur bétail."

 

Ces difficultés alimentaires ont alors poussé les nordiques à exploiter les ressources marines. Malheureusement, l'extension de la banquise, comme le suggèrent les chercheurs, aurait eu un impact majeur sur les espèces migratoires comme les phoques, tout en bloquant les routes commerciales. Aujourd'hui, sur le même territoire de colonisation des anciens vikings, les Groenlandais élèvent près de 20 000 moutons.

 

"Nous ne pouvons attribuer la disparition de cette civilisation nordique à un seul facteur, mais il y a suffisamment d'évidences pour penser que le climat a joué un rôle majeur dans cet effondrement," a conclu le Dr Ribeiro.

 

"Il y a sans doute un enseignement important à tirer de l'effondrement nordique et c'est une leçon d'adaptation, être capable d'ajuster nos valeurs et notre style de vie lorsque les temps changent. C'est un défi important auquel nous sommes confrontés aujourd'hui."

 

Aujourd'hui nos sociétés doivent faire face à un réchauffement climatique sans précédent dans l'histoire de l'humanité et force de constater que nos mesures de réduction et d'adaptation ne sont pas du tout à la hauteur de l'enjeu...

Références
  1. Ribeiro. S, Moros. M, Ellegaard. M, Kuijpers, A, "Climate variability in West Greenland during the past 1500 years: evidence from a high-resolution marine palynological record from Disko Bay", Boreas, Wiley-Blackwell, 2001, DOI: 10.1111/j.1502-3885.2011.00216.x
  2. Climat : le vrai et le faux ; Valérie Masson-Delmotte
Auteur

avatar Christophe Magdelaine / notre-planete.info (tous droits réservés)


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